Vaccum Paintings

2023-2024

 

Cette série se concentre autour de la notion du vide.

 Le vide nous renvoie inévitablement à la question de la matérialité et l’immatérialité. Il se situe à la frontière entre le visible et l’invisible, créant ainsi des ponts nécessaires entre ce que l’œil voit et ce que l’esprit pressent.

 Le vide est à la fois absence et présence. Il peut être considéré comme la partie non-manifesté de phénomène latent, encore invisible à l’œil humain. En Occident, il est synonyme d’absence, de manque à combler – conduisant, d’ailleurs à la surconsommation dans nos sociétés - en Orient, le vide est au contraire recherché.  Il est nécessaire à la prise de conscience de soi. Il est à la base de toute philosophie de l’éveil.

Rien n’est plus révélateur de ces phénomènes que la lumière. Elle est ce qui permet à tout chose d’exister et à nous de les constater. La lumière est à la fois essence et support de la peinture, de toute forme manifestée finalement.

Avec son langage minimaliste, Les Vaccum Paintings brouillent nos repères. Le spectateur s’interroge : est-ce de la peinture ? une lumière projetée ? La présence disparait dès que l’on essaie de la saisir. Face à cette expérience visuelle singulière, on se senti quelque peu démuni, se demandant ce que l’on regarde.

L’artiste cherche à mettre en discussion le lien tenu, et parfois trompeur, entre la vue et le cerveau (l’analyse qu’il en fait de ce que les sens perçoivent). Les œuvres appellent au ressenti car l’œil est fréquemment mis à mal dans ces certitudes.

 

Ces peintures explorent également la question de l’apparition et de la disparition, celle du temps qui s’arrête lorsque le mental se met en pause. Sans pensées apparait un nouvel état de conscience appelée état automatique ou état hypnotique (alpha ou thêta). Il modifie intrinsèquement la perception du monde et du temps. Cet espace-temps modifiable dont parle la physique quantique est intrinsèquement lié à la conscience, tout comme la notion conventionnelle du temps en définitive.

 

Cette série nous amène à vivre une « slow experience » en annihilant la dichotomie dont le mental aime à se repaître. En floutant les frontières de ces grandes thématique (présence-absence, visible-invisible, etc.) dont le mental sature et elle laisse place à la présence qui est l’état recherché (autrement dit l’absence de pensée).

 

 

Matière première

2023

Comme chaque être de ma génération, je suis soumis aux grands enjeux de l’avenir et à échelle personnelle, j’y cherche des réponses.

En tant qu’individu, on se demande quoi faire. Nous sommes culturellement tiraillés entre la préservation personnelle et la sauvegarde collective. Quand on est artiste on critique ou on embrasse. Ayant suffisamment exprimé tout le soufre que j’avais en moi, j’ai voulu embrasser. C’est dans l’histoire collective que je suis allé chercher ce qui pouvait nous réunir et nous apaiser. Toutes les traditions parlent d’une unité primordiale, d’un état d’équilibre qui précède la dualité, entre matière et lumière, entre absence et présence, entre ce vide et ce plein chers à la culture chinoise. Mon travail s’est orienté vers ces notions. Il parle de la dualité qui permet l’équilibre, sinon l’harmonie. Ce sont des thèmes universels sur lesquels il me semble important de se replonger car notre inconscient collectif en regorge. On regarde le ciel pour chercher l’inspiration et la légèreté. On est aspiré par les abimes sous l’égide de l’égo. Nous oscillons sans cesse entre deux.

Aller au fond du gouffre, c’est voir l’invisible au-delà du visible, c’est privilégier la conscience sur l’apparence.

 

Mes derniers travaux ont émergé de la visite de la fosse Dionne de Tonnerre, dans l’Yonne. C’est une source karstique, autrement dit une structure géomorphologique résultant de l’érosion hydrochimique et hydraulique des roches solubles autour du jaillissement. L’expérience est corporelle. Nous sommes irrésistiblement attirés le vide, comme lorsqu’on se trouve en haut d’une tour. Le corps précède l’intellect.

Le gouffre impose la plus grande des questions, la seule sans réponse. Il est le réceptacle de toutes nos aspirations et de nos plus grandes peurs. Il est la percée de lumière mais aussi la faille, la nuit noire.  Il est le « vide » tel qu’on le conçoit en Extrême-Orient – il faut se vider pour se remplir. Aussi, il ne saurait exister sans le plein. Les forces contraires produisent l’unité. L’unité est ce grand tout, commun à toutes les cultures qui précédent la dualité, mais aussi la duité. Les astrophysiciens parlent de trou noir, les alchimistes parlent de lumière véritable. Deux visions du monde distinctes utilisent des termes antagonistes pour parler de la même chose. Singulier.

Mon travail s’est progressivement concentré sur l’expression exclusive de ces forces : matière versus absence de matière (ou réserve), densité versus légèreté, minéral versus liquide.

Matériellement, je suis le même protocole :  l’application d’une matière fluide - les liquides ont leur vie propre et génèrent des accidents - et d’une matière sèche, plus maitrisée, faite de pigments, de charbon ou de réduction métallique. Le feu et l’eau étant les deux pôles, les deux solstices, les deux gouttes qui s’entrelacent pour former le Tao (symbole du Yin / Yang). La manifestation de toute chose se fait grâce au bois et au métal. L’expression est simple. Les moyens sobres.

L’alchimie chinoise, de laquelle découle la médecine chinoise que j’étudie parallèlement à mon activité de peintre, est très éclairante sur ces principes d’équilibre sans cesse mouvant. Ils m’ont forgé une vision du monde et une attention particulière portées aux éléments et aux matériaux.

La quête, si elle n’est spirituelle, porte à nous interroger sur nous-même, sur cette dualité qui fait corps, souvent repoussée dans l’inconscient. Je me suis beaucoup inspiré pour ce faire des processus d’induction hypnotique, ainsi que les procédés de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ou du tambour chamanique. Il procède tous d’un rythme particulier, d’une vibration, qui tend à permettre l’accès à l’inconscient.

Alexandre Valette

Notes d’atelier

Meditation

2021-2023

« Comment donner du sens à ce qui est réduit au minimum ? » Cette réflexion qui tourne en boucle dans la tête d’Alexandre Valette l’a poussé, au fil de ses collections, à épurer ce qui compose sa peinture : de la forme à la couleur, de la composition à la perspective.

Dans sa série intitulée Méditation, il se passe de tout sujet, de toute idée narrative pour se concentrer sur la lumière et l’idée du vide. Une remise en question sur l’interaction entre art et individu et une prise de conscience face aux enjeux majeurs et aux défis actuels pour revenir à l’équilibre personnel et la perception du soi.

Tout commence par la seule forme identifiable: le cadre répond ici à sa recherche; une couleur unique se dessine, déclinée en un spectre coloré par

transparence. Le tableau s’anime. Une seule perspective en émane. Chaque élément se pare d’une complexité sensible: la forme floue et incertaine est composée par ce sfumato cher au jeune peintre. La lumière est double, triple.... vive et douce, naturelle et artificielle tel un halo vibratoire dont elle se fait écho. Les couleurs sont innombrables tout en fusionnant en une seule chromie. La perspective est à la fois frontale et indéfinie mais résolument tournée vers l’infini. L’œuvre devient inspiration mais aussi aspiration.

La sensation d’être attiré et absorbé par la lumière centrale, ce phénomène nous embarque sans point d’attache auquel se raccrocher.

Au-delà des caractéristiques techniques, ses tableaux traduisent les recherches de l’artiste, de la quête du vide à celle du sens, de tous les sens. Fort inspiré par Lao Tseu et les écrits taoïstes, ses Méditations sont un appel à la lenteur, l’introspection et la réflexion. Ce sont aussi de belles invitations à la découverte des univers propres à chacun et chacune, une intériorité nécessaire pour mieux saisir et vivre ce qui se passe à l’extérieur. « Plus on va loin, moins on apprend. » LaoTseu.

Avec cette nouvelle approche, le peintre suggère à celui qui regarde de se mettre complètement en état de silence. Se mettre en pause et voyager au gré de ses émotions et de ses sensations.

Il donne à voir sans rien raconter ni imposer. Il propose un espace de méditation - plus qu’un objet iconique ou une vision - offrant ainsi des conditions optimales pour une expérience physique et psychique. Il nous suggère de nous arrêter, de prendre conscience du moment présent. Dans la frénésie du quotidien, les peintures d’Alexandre Valette sont des respirations apaisantes, des bouffées d’oxygène, des fenêtres béantes sur un ailleurs. Elles évoquent une forme de vide, un espace-temps particulier à apprivoiser et s’approprier.

Le tableau devient enfin cette « fenêtre ouverte sur le monde » dont parlait Vasari, source de réflexion infinie pour l’artiste. C’est la « première fois qu’il arrive à donner forme à cette pensée source ».

Texte de Chantal Dusserre-Bresson

pour l’exposition Carte Blanche à la galerie NAG

Février 2022

Pierre

2020

Le travail d’Alexandre Valette est avant tout centré sur un questionnement : celui qu’occupe la place de l’Homme dans la Nature. Avec la série Pierre, il poursuit sa recherche sur les monolithes et les éolithes – pierres naturelles préhistoriques ayant l’apparence d’un objet taillé par l’homme.

Il s’intéresse à la densité historique contenue dans ces œuvres minérales : des millénaires ont passé pour leur donner une forme, une texture, une couleur ; ces mots qui constituent l’essence même de la peinture.

Dans cette remontée du temps propre à sa formation d’historien, c’est naturellement qu’Alexandre Valette oriente ses recherches vers les premiers lieux sacrés formés d’ensembles mégalithiques comme Stonehenge ou Carnac. Dans sa peinture, l’objet minéral sert aussi bien d’élément rythmique que signifiant. Il est parfois découpé par le cadre de l’œuvre, d’autres fois en son centre comme une idole, sur fond écarlate ou bleu électrique. Des fonds chimiques, symbolisant le danger des altérations humaines sur la nature, tout en servant de révélateur à la complexité des pierres.

Pour mettre en valeur cette interaction, l’artiste construit des ensembles panoramiques ; des châssis parfois disproportionnés par rapport aux formats traditionnellement commercialisés. Il s’intéresse aussi aux polyptyques ; des petits panneaux mis côte à côte comme des vignettes de bandes dessinées. Le spectateur est ainsi amené à poursuivre l’œuvre au-delà du cadre.

« Je suis sensible à l’incomplétude, à l’indéfini, à quelques-unes de ces notions intrinsèques au Wabi Sabi. J’aime magnifier l’étrange beauté des sales petites choses qui passent inaperçues. J’ai le sentiment qu’en leur donnant de la visibilité, on leur accorde une histoire et par ce fait, une forme de respect ».

Alexandre Valette invite ainsi à poser sur ces « choses » oubliées un regard nouveau par le contexte dont il les entoure. S’inspirant de l’économie de moyen et de la pureté propre aux arts asiatiques, ses œuvres n’en acquièrent que plus de force.

Aitor Gosende

pour l’exposition Pierre à la Galerie Gauchet

Mai 2020